Lors des premières vagues de réfugiés, nous étions très peu à appeler à ouvrir nos frontières pour accueillir ceux qui ne pouvaient plus vivre normalement, en famille, en Syrie, au Soudan ou ailleurs. En Europe, et particulièrement en France, la place physique ne manque pas. Il existe quantité de maisons vides, publiques ou privées, qui pourraient être réquisitionnées. De nombreuses familles seraient prêtes à accueillir provisoirement des personnes seules, à condition d’être intelligemment sollicitées.
Mais c’est la peur et la haine qui se sont exprimées. Des raisonnements simplistes ont fait flores, au premier rang desquels celui-ci : « nous avons déjà trop de chômeurs, les réfugiés ne trouveront pas de travail ». Il est assez facile de démonter cet argument : notre économie européenne est avant tout basée sur les services : il ne s’agit pas d’engager des gens pour produire des biens à exporter, mais d’embaucher des personnes pour leur faire produire des services pour leurs voisins. Dans une société de services, plus on est nombreux, plus il y a de travail. C’est ainsi que si le nombre de chômeurs a augmenté, le nombre de salariés a également augmenté ces 20 dernières années. L’afflux de dizaines de milliers de personnes, qui pourraient être prêtes à travailler après quelques mois d’adaptation créerait proportionnellement autant d’emplois.
Même les groupes de pensée qui utilisent le mot « solidarité » à tout propos restent réservés dans la gestion de l’accueil des réfugiés : le parti socialiste, et même les autres partis de gauche, l’Eglise catholique, une bonne partie du mouvement associatif. Jeunes étudiants ou chômeurs, anxieux pour leur propre avenir, retraités, dépensant leurs forces restantes dans le bénévolat, tous sont frileux, désabusés. Nous n’arrivons qu’avec peine à gérer nos problèmes, pourquoi s’occuper de ceux des autres ? Mais c’est justement en se montrant réellement solidaires, accueillants, fraternels, que nous pourrions changer la détresse en espoir, au lieu de cultiver la haine.
Il faudrait voir cette crise comme une opportunité de redéfinir un havre de paix et de solidarité dans une Europe démocratique et sociale, de lancer de grandes initiatives sur le développement solidaire et écologique, qui a besoin de bien plus de bras que la désindustrialisation ultralibérale. Mais nos politiques préfèrent laisser rancir les cerveaux dans la peur.