Mourir de maladie est il si grave ?

A titre individuel, ce qui est le plus important, n’est pas d’éloigner ou de ralentir une mort inéluctable, mais de bien remplir sa vie et celle de ces proches d’amour et de bonheur et de faire œuvre utile au monde. Mais c’est le devoir de chacun d’éviter toute mort prématurée, qui empêcherait justement de remplir sa vie. C’est pour cela qu’il est capital de protéger ses enfants, d’éviter les accidents et de soigner les malades. Mais l’exercice de la médecine, fait l’objet de débats légitimes, notamment quand on applique des traitements douloureux à des personnes dont la durée naturelle de vie est limitée.

Au niveau d’une population, des choix sont faits, le plus souvent de manière non explicite, pour économiser l’effort de soins vis à vis des personnes à durée de vie limitée. En Europe, on consacre des milliards à augmenter la vie en mauvaise santé de personnes à bon niveau de revenu, mais les services d’urgence demandent l’âge des malades et ne se déplacent que rarement pour les plus vieux. Dans les pays pauvres, l’effort pourrait être concentré sur les plus jeunes, mais les moyens manquent déjà pour une prévention sanitaire de base. L’effort est concentré sur les riches privilégiés. Près d’un quart de l’humanité n’a pas accès à l’eau potable et l’assainissement, on dénombre 100 000 morts du choléra. On sait qu’une augmentation des moyens financiers réservés à la prévention sanitaire diminuerait les accidents et les maladies, et pas seulement dans les pays pauvres. La réduction des moyens hospitaliers en France, ces dernières années, s’est faite pour des motifs économiques assumés, et visiblement partagés par une population qui vote pour des gouvernements du centre gauche à centre droit qui pratiquent plus ou moins l’austérité budgétaire depuis plus de 30 ans.

D’autre part la démographie est elle aussi un sujet philosophique et politique essentiel : la surpopulation est un des facteurs les plus importants du déséquilibre écologique et politique de la planète. Mais chaque enfant à naître ne pourrait-il vivre une vie formidable ? De nouveaux petits Mozarts, Pasteurs ou Mandelas ne sont-ils pas empêchés de vivre par les politiques qui limitent volontairement la démographie ? Si en France nous sommes loin de la surpopulation, la planète l’est globalement. Et la France refuse d’accueillir de nouveaux migrants, qu’on laisse mourir ou survivre dans des conditions atroces, internés dans des camps… Le taux de mortalité d’une pandémie n’est il pas une solution pour  » faire de la place  » ? Ce moyen n’est il pas moins injuste que la politique de l’enfant unique en Chine, l’avortement des embryons féminins, la fermeture des frontières aux réfugiés ? Néanmoins, ce sont quand même dans les groupes de populations les plus pauvres qu’on trouvera le plus de décès dus à l’épidémie. En Afrique, la grippe au COVID-19 va s’ajouter au SIDA, à la tuberculose et à la malnutrition et entraînera forcément des ravages, qui ne viennent que de commencer. Il faut bien sûr lutter contre cette pandémie.

Mais le COVID-19 a entraîné dans tous les pays riches, pour la première fois dans l’histoire, des mesures exceptionnelles concernant la totalité de la population et créé une psychose comparable à un temps de guerre, alors que les dommages subis sont ridiculement faibles par rapport à la situation des pays en guerre ou des camps de réfugiés politiques, climatiques et économiques. La première question que l’on peut se poser est donc « le confinement généralisé est-il une mesure proportionnée aux risques de l’épidémie?« .

Il a été dit et répété, pendant les premiers mois, que cette grippe n’était dangereuse que pour une minorité de la population, les plus vieux et les plus fragiles. Mais depuis, de nombreux cas sont venus montrer que l’épidémie pouvait concerner aussi des adultes en bonne santé, mais cela reste vrai statistiquement. Les mesures les plus immédiates devaient donc être ciblées sur les personnes fragiles, pour les obliger à rester chez eux, en organisant leur approvisionnement et leur visite. Les soignants et les aidants, en général déjà formés à ces mesures, devaient être dotés de masques de protection et de gel : c’était d’ailleurs le cas dans bien des structures, qui l’avaient anticipé pour la grippe ordinaire, mais ce n’était pas le cas de la majorité des établissements de santé, du fait de l’incurie de certains et de la pénurie générale de moyens. Pour le reste de la population, on avait le choix entre, a minima, une sensibilisation à la distanciation sociale et le confinement généralisé. C’est cette solution ultime à laquelle nos gouvernements sont arrivés, assez rapidement, alors que le nombre de morts était encore très inférieur à celui des accidents de la route.

La motivation sanitaire, d’après les épidémiologistes, est de ralentir l’avancée de l’épidémie, pour que les hopitaux ne soient pas trop saturés. Sans confinement, le nombre de personnes atteintes est très vite atteint. Mais aucun expert ne peut assurer que le confinement va diminuer la hauteur du palier. Le temps de « rattrapage » de la courbe n’est pas bien estimé, il varie selon le virus et les pratiques de la population avant et pendant le confinement.

Une autre stratégie était possible, avec la théorie de l’immunité collective, que les Pays-bas et la Grande Bretagne avaient un temps adoptée, que la Suède soutient toujours, avec pour le moment, moins de morts, proportionnellement à sa population, qu’en France. Ne faut il pas que nous soyons globalement exposés aux différents virus pour que notre population apprenne à résister ? Ce processus évolutif élimine ceux qui ne s’adaptent pas. Quoiqu’il en soit, dans les pays confinés, la maladie progresse toujours ; l’exemple de la Chine laisse espérer qu’elle atteindra un plateau et diminuera, mais en quoi le confinement a t il vraiment aidé à atteindre ce palier ? Ces mesures empêchent la propagation, mais rien ne tue le virus : ne reviendra-t-il pas dés la levée des mesures ? Si on doit faire feu de tout bois, utiliser toutes les solutions, pourquoi hésiter à produire la nivaquine, médicament peu cher, et à l’administrer sous surveillance médicale ? Serait-ce parce que les industriels y gagneraient moins qu’avec un nouveau médicament ? Les contre-indications ? Le confinement généralisé a bien plus de contre-indications sanitaires et sociales: les personnes isolées, par leur handicap ou leur situation familiale sont déprimées, l’arrêt de travail forcé risque de faire perdre leur emploi à des milliers de personnes, dont la détresse psychologique va augmenter avec l’impossibilité de chercher un emploi durant le confinement ; les stages de fin d’étude sont arrêtés au beau milieu, les étudiants ont encore moins d’espérance pour leur premier emploi, les médecins et les hôpitaux reçoivent beaucoup moins de patients pour d’autres cause que la pandémie, ce qui diminue la prévention d’autres maladies. Les vieux meurent seuls, sans le soutien de leur famille, cloîtrés dans leur chambre d’hospice. Les vagabonds, les migrants sont encore plus rejetés et exclus.

Une bonne partie des mesures prises n’est pas efficace. Par rapport aux arrêtés sécheresse pris chaque année par les préfectures de France, cadrés par une série de textes, aux impacts évalués et discutés par de nombreux comités d’usagers, les mesures sanitaires semblent avoir été décidées par un sous préfet parisien, tout juste sorti de l’école nationale d’administration. Pourquoi, les 10 premiers jours ne pouvait on se promener à deux du même foyer ? Que risquent vraiment des randonneurs pour qu’on leur interdise la nature, en respectant les distances de sécurité, alors qu’ils peuvent se faire infecter en retournant chercher quatre fois dans la même journée des nouilles et du papier hygiénique au supermarché ? Pourquoi ne pas être plus explicite et cohérent sur la distance de sécurité à respecter avec les autres dans la rue les transports ou les magasins ? Pourquoi ne pas définir clairement les mesures de diagnostic du virus, et les mesures à adopter en conséquences ? Actuellement, des personnes ayant partiellement les symptômes sont laissées chez elles ou dans leur établissement de soin, sans diagnostic précis ni aide adaptée. Si ces mesures qui limitent la liberté d’aller et de venir ne sont pas efficaces, elles sont donc abusives!

De plus, le cadrage légal de cette restriction abusive des libertés a été intégré à une loi, qui pourra être reprise ultérieurement, pour dans une période troublée, interdire tout rassemblement sous couvert de santé publique. La sécurité de la population a été clairement mise en dessous de la liberté des citoyens dans l’échelle des valeurs de la cinquième république française. Mais les expatriés du monde entier qui ont souhaité en grand nombre être rapatriés ont démontré, à leur corps défendant, combien les préjugés nationalistes étaient stupides : pourquoi réinfecter son pays si on est malade en Chine, alors que les chinois ont expérimenté les traitements adaptés ? Pourquoi quitter un pays d’Afrique où l’épidémie ne s’est pas dévelopée, pour rejoindre Paris où elle est virulente ? Nos vieilles démocraties sont en train de se racornir lentement dans l’égoïsme, la culpabilité et la haine.

Le confinement aura été efficace sur deux points inattendus : il a laissé le nombre de morts sur la route, et a fait diminuer la pollution. Mais pour diminuer les morts sur la route (3500 morts/an en France, un chiffre du même ordre que celui des morts dus au COVID-19) il n’était pas question d’arrêter l’économie. Obliger les gens à aller en train ou en transport en commun dans nos grandes villes contribuerait davantage à la santé publique que le confinement, et coûterait moins cher, pourtant, on refuse de l’envisager.

Le coût économique direct est déjà énorme, avec l’arrêt de l’activité de production pendant plus d’un mois, cela correspond au moins au 12ème du PIB des pays riches. Il faut comparer le coût de cette mesure de précaution destinée à éviter des milliers de morts, avec la possibilité d’en éviter des centaines de milliers en consacrant l’équivalent de ce coût à l’assainissement et l’eau potable ou à la mise en sécurité de pays dévastés par la guerre civile ? N’est il pas indécent de voir que le confinement a été décidé rapidement par des politiques poussés par les media, devant la peur de la population, et surtout la peur d’être mal jugés, alors que des mesures bien moins coûteuses mais bien plus efficace contre la mort et la souffrance sont bloquées par l’inertie internationale depuis 1945 ?

Les mesures économiques consistent à indemniser des pertes des entreprises dues à des interdictions et à prendre en charge le chômage induit. Le financement de ces mesures est prévu sur les budgets des États, avec un peu de solidarité inter-européenne. Il a été envisagé, puis repousser de diminuer les dividendes des actionnaires des sociétés à aider. Ces mesures sont prises à crédit. Les gouvernements seront encore plus aux mains des banquiers, pour tout le siècle à venir. La dette des pays est un scandale : un État doit tirer ses moyens du travail de ses citoyens et si nécessaire, prendre à ceux qui ont trop pour donner à ceux qui n’ont pas assez. C’est bien à la république d’estimer ce  » trop « . Or en préservant les richesses des privilégiés tout en obligeant la majorité des citoyens à arrêter leur travail légitime, les États qui ont choisi le confinement augmentent les injustices sociales.

Qu’aurait il fallu faire ? Mon propos n’est pas de considérer les gouvernants des nations du monde entier comme des incapables, ils cherchent de bonne foi à sauver des vies. Mais emportés par le système, ils n’ont pas forcément pris les meilleures décisions. S’il faut accepter des pertes humaines sur le front des maladies, il ne faut pas nous y résigner : notre société doit augmenter à l’amont les moyens des systèmes de santé et prédéfinir des protocoles cadres de gestion de crise. Ces protocoles doidnvent contenir les mesures sanitaires, mais aussi économiques et sociales, graduées suivant le niveau de crise et ces mesures doivent avoir été concertées avant la crise. Il faudra aussi doter chaque région des moyens d’assurer son autosuffisance, en cas de rupture des liens avec les autres régions. Cette politique de prévention sanitaire doit aller de pair avec un rééquilibrage des échanges économiques. Chaque région doit pouvoir survivre sur ses propres ressources et bien vivre grâce à des échanges équitables avec ses voisins. Il faudrait également mieux organiser le dépistage, la collaboration internationale des chercheurs et des autorités sanitaires, sensibiliser rapidement les populations à la distanciation, adopter une communication internationale transparente. Nous aurons d’autres pandémies, pas forcément avec cette configuration… Serons nous davantage préparés ? Tant que perdureront les politiques nationales contradictoires, les seuls accords se feront pour tolérer l’injustice. Le confinement a une énorme vertu : en arrêtant la société, il aura donné le temps à chacun de réfléchir à ses vraies valeurs.

Il reste maintenant à mettre en commun ces réflexions, et mener à une révolution de notre société qui nous permettra d’être plus solides vis à vis des grands dangers qui nous menacent, parmi lesquels les pandémies ne sont qu’un élément secondaire : l’injustice sociale, la haine, la xénophobie et la guerre. Il faut continuer à lutter par le travail et les échanges pour une société universelle plus juste et plus solidaire.

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