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Religions : une relative quête d’absolu

Chercher à relativiser les religions peut sembler paradoxal : chaque religion est une quête de dieu, ou d’une forme de spiritualité supérieure considérée comme un idéal.

Mais les différentes religions sont des moyens d’approcher en groupe la compréhension de cet être supérieur. Ces moyens différent, d’une religion à l’autre. Les constructions intellectuelles, les rites faits de manière commune ou similaire par les adeptes, sont très différents. L’idéal de vie commune présente des similitudes, dans l’amour du prochain, le respect de la vie. Mais la morale pratique peut être très différentes : la loi du talion ou le pardon systématique, les différences faites entre les hommes et les femmes, entre les croyants et les incroyants constituent des complexes bien différenciés d’une religion à l’autre. La représentation divine varie encore plus : plusieurs êtres d’une même famille pour les polythéistes ou dieu unique pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, esprit indistinct, être suprême, dieu réparti dans la nature et les hommes. Même pour les athées, qui refusent l’idée d’un dieu créateur, l’humanisme s’apparente à une conception religieuse du monde.

Chaque religion, chaque philosophie agnostique ou athée, est une recherche de la vérité. Cette recherche est toujours imparfaite et la vérité approximative. Même si on admet qu’un prophète ait pu recevoir des paroles directement de Dieu, ces paroles ont été retranscrites, complétées, traduites, avec des imperfections inévitables. Aucun texte sacré ne peut être considéré comme intégralement juste. Une critique, une contestation n’est qu’une autre recherche de la vérité, elle même contestable, mais qui doit être acceptée. Mais le blasphème, à savoir la remise en cause d’une croyance, assénée avec une violence contre-balançant  l’autoritarisme des religions dominantes, ne peut être considéré comme un délit ou un crime. C’est simplement une autre approche de la vérité, sous une forme négative, avec le même risque d’erreur que la croyance remise en cause. Il est discutable, mais jamais condamnable.

Relativiser les religions, tout en respectant la quête universelle de spiritualité, permet de construire une société tolérante et juste. Cette société permet à chaque groupe de suivre son chemin, en respectant celui des autres. Mais, pour cela, elle ne doit jamais mettre une religion au dessus des autres, elle ne doit ni empêcher de croire, ni obliger de croire.

Les moyens ne se confondent pas avec la fin : la conscience universelle, Dieu, l’univers de l’esprit, sont supérieurs à une organisation politique, mais les religions multiples doivent toutes se conformer aux lois universelles qui permettent aux humains de vivre ensemble, dans la paix et la recherche du bonheur : la liberté, l’égalité et la solidarité entre tous les êtres humains.

 

Laïcité universelle

Les religions unissent leurs fidèles autour d’un dogme et d’une foi,  sous la responsabilité de prêtres. Les laïcs sont ceux qui n’ont pas cette responsabilité. Dans de nombreuses sociétés, les prêtres assumaient aussi des responsabilités sociales importantes, au premier rang desquelles l’éducation des enfants. Ils détenaient le savoir, mais aussi le pouvoir économique ou politique. Ce dernier pouvoir ne leur était généralement disputé que par les guerriers, ceux ci prenant et gardant le pouvoir par la force et le transmettant héréditairement sous forme de monarchie. Les rois guerriers n’ont jamais éliminé les prêtres mais se sont souvent appuyés sur eux.

Les guerres ont le plus souvent été causées par des rivalités entre monarchies ou religions. Le nationalisme, depuis le XIXème siècle en est un avatar : le sentiment national se nourrit d’une histoire monarchique et religieuse, plus encore que d’une communauté linguistique.

La démocratie a ramené les guerriers et les prêtres à l’arrière-plan politique. Mais les guerres civiles ou nationales se nourrissent toujours des ambitions des guerriers et de l’intolérance religieuse.

Si l’intolérance religieuse revient en force, particulièrement chez les pauvres, c’est que les injustices n’ont jamais été si fortes.  Les différences de réussite économique entre les nations et au sein de ces nations sont extrêmes. Les perdants du système, s’ils se reconnaissent comme issus de peuples opprimés, anciennement colonisés ou mis en esclavage, dissolvent leur misère personnelle dans une humiliation communautaire plus ou moins fondée.

Le sentiment d’injustice trouve un exutoire facile que dans des propositions mêlant le spirituel et le guerrier, l’action immédiate et la récompense des martyres. Le sentiment d’appartenance fraternelle à une communauté opprimée contrebalance la haine de ceux qui semblent avoir réussi : au choix les américains, les chrétiens, les européens ou les juifs.

Le seul moyen d’annihiler ces forces terroristes est de refonder une société juste  dont les valeurs universelles ne permettent plus de fonder de telles haines. Cette société doit s’affranchir des dogmes religieux comme des sentiments nationalistes qui ne seraient pas compatibles avec ces valeurs universelles.

Toutes les religions pourront se perpétuer dans cette nouvelle république si et seulement si elles en respectent absolument les valeurs fondamentales. On doit interdire de prêcher la haine, l’inégalité entre des hommes ou des femmes ou d’appeler à la violence. Aucune religion ne devra être privilégiée et toutes les anciennes nations, avec leur cortège de haines rassies devront être dissoutes.

Psychanalyse révolutionnaire

La révolution de 1789 aurait pu libérer l’humanité du joug des tyrans. Mais les révolutionnaires ont limité inconsciemment leurs ambitions. Ils ont d’abord voulu conserver le roi, en contrôlant ses pouvoirs par une constitution. C’était le père de ses sujets. Les signes de révérence au roi, qu’on trouve dans tous les écrits, ne traduisent pas que la peur de la censure ou de la répression ; ils expriment un véritable amour filial. Tous les révolutionnaires avaient été élevés comme leurs pères, dans l’idée que le roi était bon et que les problèmes venaient de ses mauvais ministres, de l’influence de sa femme, souvent une étrangère, ou de ses maîtresses, forcément perverses. Les anciens sujets se sont affranchis de l’autorité royale, pour devenir un “peuple libre”, mais toujours respectueux de l’image paternelle.

Pour gagner encore de la liberté, et surtout par peur d’une conspiration d’émigrés joints aux princes d’Europe, les révolutionnaires ont décidé de tuer le roi. Mais on n’a pu tuer le père qu’en créant une mère imaginaire : la patrie, la nation, la France. Cette nouvelle figure tutélaire a remplacé celle du roi pour rassurer le peuple, et fédérer ses énergies contre l’ennemi. C’est à la fois le meurtre du roi-père et la peur de la guerre, qui ont substitué l’image de la France à protéger des étrangers à la vision de l’humanité à délivrer des tyrans.

 

Isonomie

Ce concept date du VIème siècle avant Jésus-Christ. Il a permis à Clisthène de mettre en place un nouveau partage du pouvoir, plus équitable et surtout moins créateur de haine. La démocratie existait déjà à Athènes avant cette réforme, mais elle était régulièrement mise à l’épreuve. Les factions reflétaient les classes sociales, les origines géographiques. L’isonomie est un système complexe, mais qui permet une bien meilleure représentation démocratique. Il s’agit d’organiser les élections par “tribu”, chaque tribu étant elle même composée de petites unités géographiques, des quartiers ou des villages, nommés dèmes. Au sein d’une tribu, les dèmes sont disjoints et répartis sur le territoire. Les dix élus de chaque tribu représentent donc un échantillonnage pertinent des composantes sociales, culturelles et économiques de la société, au contraire des députés d’un arrondissement, d’une commune, d’une région ou d’un état  qui ont été élus par une majorité locale de même niveau de richesse, de même langue, de même religion.

Pour notre république universelle, il faut concevoir un système équivalent, qui permette de balayer les communautarismes. Je songe à des tribus régionales et planétaires, associant des communes (au sens de mon livre) de différentes régions et des cinq continents. Ces communes seraient jumelées, avec des échanges culturels, des échanges d’étudiants. Les assemblées régionales seraient composés de représentants des tribus régionales, plutôt que des communes et l’assemblée mondiale de représentant de tribus planétaires. Ce système est complexe, mais rendu obligatoire, il constituerait un investissement, en nous permettant d’éviter de favoriser des partis religieux ou nationalistes, toujours réactionnaires, jamais constructifs.

Babel

Selon la bible, l’orgueil des hommes a été puni en les divisant par une multitude de langues. C’est probablement l’isolement des groupes de populations qui leur a fait développer des moyens de communication séparés, et créé peu à peu, tous ces langages différents.  Pour les échanges entre les groupes, on a souvent créé une langue véhiculaire, faite de parts plus ou moins importantes des langues d’origine. Le latin, l’anglais, le français, l’espagnol, langues de peuples colonisateurs, ont également joué ce rôle.

Au XIXème siècle, s’est développée la théorie des nations, associée à une langue. La langue devient alors obligatoire pour tous les membres de ces nations ; son usage s’arrête abstraitement aux frontières, non moins abstraites, de cette nation. Les citoyens de chaque nation se sont alors sentis différents de part et d’autre de cette frontière, parce que la langue qui gouvernait leurs échanges les séparait matériellement.

Cette division selon les langues a alors nourrit les concepts de nations et de peuples développés comme celui d’un individu unique, avec son caractère, ses qualités et ses défauts, ses droits à disposer de lui-même. C’est ce concept qui a permis de passer des guerres des princes aux guerres entre nations, qui sont vite devenues une guerre mondiale. C’est toujours ce concept qui nourrit les guerres des Balkans comme la montée des extrêmes droites dans tous les pays développés. Lorsque à la différence de langue s’additionne la différence de religion, l’opposition est totale. Sur un territoire limité comme celui du moyen orient, la haine s’exacerbe entre des “peuples”artificiellement séparés.

A Babel, l’orgueil des hommes a été puni en étant transformé en orgueil collectif, l’orgueil terrible des nations.

Il est possible de faire de ces divisions une richesse, et de transformer le conflit des affirmations individuelles en amour, mais ce serait une révolution encore plus importante que celle de la tour de Babel.