L’individualisme mène à la soumission

Le vingtième siècle est dans les sociétés occidentales libérales marqué par une évolution forte de l’individualisme. L’individualisme est le fruit  de l’affirmation de la liberté individuelle dans la déclaration d’indépendance des états unis d’Amérique, de la révolution française. Mais à la fraternité souhaitée s’est peu à peu substitué  l’égoïsme. La propriété, valeur fortement affirmée des sociétés bourgeoises et agricoles, a toujours été mieux défendue que la solidarité, et elle a triomphé lors de l’effondrement du mur de Berlin. Le libéralisme est un concept flatteur, car il revêt de liberté le capitalisme. Aujourd’hui on exploite des moutons consentants.

L’art populaire exalte, depuis plusieurs siècles, bien davantage l’individu que le groupe. Le romantisme, le cinéma, le journalisme magnifient les héros auquel chacun pourra s’identifier, de Napoléon à Macron, de Rudolf Valentino à Johnny Halliday. Toute notre culture est tournée vers la défense de l’individu opprimé par la société, la famille, la religion. En faisant exploser des carcans, on a nié l’importance des règles communes, du contrat social. La libération sexuelle et pédagogique de 1968 comportait une part d’utopie communautaire, mais si certains soixante-huitards ont réussi leur retour à la campagne, les communautés de vie, sans règles structurantes, ont sombré dans l’échec et le ridicule.

« Chacun son chemin » est maintenant la devise des vieux soixante-huitards comme des jeunes rappeurs. Payer ses impôts parait une charge inadmissible. Pourquoi serais-je payé autant que mon voisin, un crétin qui ne fait pas grand chose et passe son temps au café ? Pourquoi aider les clochards, ils n’ont qu’à travailler. Pourquoi faudrait il accueillir les pauvres de la planète ? Ils n’ont qu’à développer leur pays, avec tout l’argent qu’on leur donne.  Un patron est-il payé 10000 fois plus que ses employés, il est considéré comme méritant.. et particulièrement courageux quand il en licencie une partie. Faire grève est nuisible : pourquoi une minorité en colère d’hommes exploités, imposerait-elle ses conditions aux patrons et à la majorité servile ?

En se penchant un peu sur cette lente évolution, on découvre que cet individualisme culturel a été promu pour qu’aucun mouvement collectif fort ne puisse renverser la domination des puissants. Le peuple se sentait opprimé par ses rois, aujourd’hui il râle contre ses élus, mais se fait manipuler par la publicité, le sport, l’illusion de l’ascenseur social. Une majorité « silencieuse » et conservatrice vote pour un leader fort, qui le rassure. On se rassure, pour ceux que la morale démange, en se disant qu’on a choisi « le moins pire », alors qu’un système qui élit un seul homme pour gouverner tout un pays n’est pas pleinement démocratique. Vive la dictature qui nous préserve du chaos ! Chacun dans sa coquille, les épreuves passeront sans nous toucher…

A cet individualisme correspond également une individualisation des pays. Chacun s’identifie à une nation, non pas pour glorifier un collectif, mais pour se protéger des étrangers qui viendraient limiter notre prospérité, notre liberté de consommer à tout crin. Individualisme et nationalisme refusent tout partage.

Ne nous soumettons plus, regroupons nous autour des valeurs fondamentales de la liberté, de l’équité et de la solidarité. Acceptons de partager l’espace, le travail  et nos espoirs avec tous les autres.

 

Vive le train !

Le message des grévistes de la SNCF est souvent troublé, détourné, caricaturé. Mais l’essentiel est là : la réforme prévue par le gouvernement ne va pas sauver la SNCF, mais la désorganiser. Elle ne constitue pas la vraie révolution des transports dont notre pays, dont le monde entier a besoin.

Avec un monde surpeuplé, principalement urbain, avec un changement climatique majeur lié à la pollution issue des industrie et des voitures, il faut absolument privilégier nettement les transports en commun et limiter la voiture individuelle. Aujourd’hui, le train et ses succédanés urbains, le metro et le tram, sont les moyens de transport les plus efficaces et les moins nocifs à l’environnement. La politique des États doit largement les favoriser.

L’ouverture des transports publics au privé, à la concurrence est un leurre. Le coût pour l’usager du transport qu’il soit la voiture, l’avion, le train est avant tout lié aux dépenses publiques : le cout réel de la voiture est lié aux routes et autoroutes, crées par l’État et les collectivités, et aux carburants, dont la majeure partie vient des taxes et dont le cout d’extraction initial est lié, comme tous les produits miniers, à des recettes publiques des pays producteurs de pétrole. La voiture roule en majeure partie avec des dépenses et des recettes publiques ! Son développement anarchique doit être stoppé, pour protéger la planète de l’étouffement !

Il faut renverser complètement la politique actuelle :

  • concevoir un nouveau réseau ferré au service des usagers,
  • renationaliser les autoroutes et augmenter les péages, en les différenciant en fonction de l’effet carbone
  • augmenter fortement le coût des carburants, notamment du diesel
  • atteindre rapidement, par la politique fiscale et l’organisation du réseau, 2 objectifs simples :
    • pour l’usager : aller en train d’une ville à une autre, et en metro ou tram à l’intérieur d’une ville doit être moins cher que faire ce trajet en voiture individuelle
    • pour les marchandises : le transport en camion ne doit plus concerner que les petits trajets <100 km.

Avec cette nouvelle politique, l’organisation du service public sur ce réseau devra être confié à des entreprises publiques, nationales ou régionales.  Le niveau national permet une péréquation des recettes, mais le niveau régional est plus proche de la gestion réelle. Par contre, les employés de base de cette organisation pourront être des salariés de droit privé, et les sous-traitants des entreprises privées. Les entreprises publiques doivent rester des structures stables, solides, mais légères.

Les décisions concernant les services publics doivent être prises par des élus et des fonctionnaires soucieux de l’intérêt général. Tout laisse à penser que les politiques et hauts fonctionnaires issus de l’ENA depuis plusieurs générations ont perdu ce sens de l’intérêt général au profit d’une perspective personnelle dévoyée: le pantouflage , reclassement dans une entreprise para publique hyper-capitaliste avec des salaires déconnectés du monde du travail réel.

Ces réseaux et cette politique doivent absolument être harmonisés au niveau mondial, pour sauver la planète de l’engorgement du modèle de la voiture individuel. Il faut faire grève pour plus de train, moins de camions, moins de voiture, plutôt que pour un statut de cheminot.

Éloge de la grève

La grève est vilipendée par le gouvernement, qui « respecte le droit de grève », mais dont les membres ne se privent pas pour dénigrer les grévistes, les déconsidérer comme des feignants, des profiteurs, des égoïstes qui ne pensent qu’à défendre leurs intérêts particuliers. Toute la droite soutient cette pensée (que cherchait déjà à m’inculquer ma défunte mère…). Les media conformistes développent avec complaisance les cas particuliers un peu ridicules, en ce moment les pilotes d’Air France, ou les cheminots, dont le statut feraient des privilégiés.

Même s’il est vrai qu’en d’autres temps certaines grèves malvenues n’ont servi qu’à dégrader l’image des syndicats, il faut se souvenir de ce qu’est vraiment la grève : un moyen non violent de lutte collective pour résister à l’exploitation par une minorité puissante d’une majorité de pauvres. Les riches ne font pas grève, les rois, les gouvernements font valoir leurs privilèges par la force de leur armée et de leur police.

Faire grève n’est jamais facile. Cela demande du courage : la plupart du temps, le temps de grève n’est pas payé.  10 jours de grève, c’est la moitié du salaire en moins à la fin du mois… Pendant les premières luttes sociales, il a fallu s’organiser en caisses de prévoyance. Les grévistes et leur famille souffraient. Si la convergence des luttes se met en place en 2018, cela signifiera des privations dans les familles, de vrais sacrifices pour tous ceux qui choisiront de vivre debout.

Faire grève n’est jamais simple. Un mouvement de grève réunit contre un projet ou une situation inacceptable des organisations, des populations disparates. Les syndicats, qui sont différents parce qu’ils défendent des personnes différentes, parce qu’ils prônent des sociétés différentes, n’ont pas la même vision de la justice et ont du mal à mettre au point des plate-formes de revendications, des contre-propositions cohérentes. Les intellectuels ont d’ailleurs du mal à se retrouver dans les slogans, les chansons naïves des grévistes, dans les  désordres de la foule.  Alors que le projet de la direction ou ou du gouvernement parait plus ordonné, même s’il se présente souvent voilé. On propose une réforme de la SNCF « pour l’ouvrir à la concurrence », pour « mettre fin au privilège du statut ». Il s’agit « simplement » de désorganiser un peu plus les transports en commun, d’augmenter la part des sociétés privées et surtout leurs gains en bourse, lors des privatisations à venir. En réaction, les mots d’ordre sont parfois contradictoires. Il est évident pour tous que la situation actuelle pose des problèmes. Mais la solution proposée est encore plus néfaste… Ceux qui refusent un projet dangereux pour l’intérêt général apparaissent alors comme des réactionnaires, des passéistes, refusant de faire face aux problèmes.

Faire grève est un pari difficile : pour éviter une réforme néfaste à une entreprise, ou/et obtenir des avancées pour ses employés , on crée  une paralysie qui nuit au patron, certes, ou aux dirigeants publics, mais aussi, à court terme, aux clients ou usagers ; si la grève dure, on nuit aussi à l’image de l’entreprise, car les medias privilégient les usagers qui râlent, le gouvernement qui déplore… Ce moyen est toujours un ultime recours. En l’occurrence, c’est l’arrogance du gouvernement qui refuse de prendre en compte les contre-propositions syndicales et qui pense s’imposer avec une pseudo-concertation qui justifie les grèves actuelles. Lorsqu’une entreprise fait des bénéfices et qu’elle prévoit des licenciements, la grève et l’occupation des lieux de travail sont les seuls moyens des employés, même s’il plombent à court terme leur entreprise.

La grève est une violence minimale mais réelle, faite par les plus faibles contre les plus forts et n’est possible que si un grand nombre de grévistes sont mobilisés.  C’est un moyen de pauvres dans un rapport de force inégal.

Faire grève est un devoir pour les citoyens : il faut s’opposer à ces réformes perfides qui conduisent à plus d’injustice et vont contre l’intérêt général. Il faut réformer les transports, les services publics. Mais il ne faut surtout pas déstructurer les lignes, augmenter les couts de structure en multipliant les intervenants, pousser à la concurrence et puis à la faillite les sociétés éphémères, comme on l’a vu avec les « bus macrons ».  Le vote a laissé, comme souvent en cinquième république,  le pouvoir dans le moins mauvais des candidats. Mais ce la ne veut pas dire que ce qu’il va faire est bien. Il faut s’opposer avec force mais sans violence à toutes les réformes injustes et contre-productives. La grève est le meilleur moyen de cette résistance citoyenne, qui ajoute à notre république déficiente ce qu’il lui manque de dialogue et de construction.

Le vrai message de la grève doit être contre le démantèlement des services publics, pour l’intérêt général au dessus de l’intérêt particulier. La défense des statuts, des salaires doit passer au second plan, au moins tant que pour les moins favorisés, le minimum dans le public est au dessus du privé.

Il faudra ensuite dépasser la grève, pour passer à un mouvement démocratique positif, celui de la révolution tranquille vers une république juste et pour cela universelle.