Le nationalisme defend mal la democratie

Février 2022, un président élu d’un ancien pays communiste choisit d’envahir son voisin, en invoquant des pretextes fallacieux. Il ne cherche d’ailleurs pas à convaincre, mais à imposer sa volonté par la force. Ses concitoyens, les russes qui l’ont élu peuvent partager ses sentiments qui ne justifient rien mais expliquent tout : l’Ukraine a toujours été liée politiquement, culturellement et religieusement à la Russie. Elle n’aurait jamais du en être détachée. Cela ne vous rappelle rien ? L’annexion de l”Autriche puis du territoire des Sudètes, germanophones de la république Tchèque, par Hitler.. Et oui, c’est le premier niveau de prétexte guerrier nazi.

Pour répondre à l’hypertrophie des sentiments nationalistes conquérants, les politiciens des pays voisins réveillent en général leur propre nationalisme : les vrais français doivent faire barrage aux prussiens, aux boches, bouter les anglois hors de France ; les grecs doivent expulser les turcs et réciproquement ; les serbes face aux croates, la liste est malheureusement sans fin…

Les Ukrainiens et les Russes ont effectivement une grande proximité culturelle et n’avaient justement que peu de motifs historiques de revanche jusqu’ici. Les partis anti-russes d’Ukraine craignaient l’autoritarisme de Poutine.Ils souhaitaient plus de démocratie et plus de libéralisme, comme dans l’union européenne. Ils craignaient l’annexion, en référence à la dictature soviétique et ses interventions musclées dans les pays satellites.

Pour éviter cette spirale, qui enferme les victimes d’agresseurs, dans un cercle fermé de haine et de vengeance, il est fondamental de savoir contre qui on lutte et pouquoi, et de poser raisonnablement les bases d’un juste combat.

Qui est l’agresseur ? Poutine a bien été élu, mais la démocratie a fortement diminué en Russie sous ses mandats successifs : les opposants ont été attaqués dans la presse, calomnié, mis en prison; la presse a été muselée, en allant jusqu’aux assassinats de journalistes. Dans la droite ligne de la tradition stalinienne, et des services d’espionnage et de propagande d’où est justement issu Poutine, le mensonge a été érigé en système de pensée. La majorité russe est silencieuse, mais apprécie d’être dirigée par un chef puissant. La méchanceté de l’empereur rassure toujours les habitants d’un très grand pays, quisont protégés de la guerre civile par la force d’un autocrate, dont on peut supporter les frasques : les journalistes assassinés, comme les jeunes écrasés par les chars de Tien an men n’avaient qu’à se tenir tranquilles… Ensuite, cet autocrate est soutenu inconditionnellement par les dirigeants de la religion orthodoxe, la plus pratiquée en Russie. Poutine et le patriarche s’appuient l’un sur l’autre. Ce n’est plus un état laïque. De plus quand ce presque dictateur envahit un autre pays sans demander son avis aux habitants concernés (ils avaient d’ailleurs élu un président qui refusait l’allégeance à la Russie), ni même à son propre pays (il n’y a pas eu de vote ou de discussion au parlement russe, tout a été décidé par un seul homme) on est très loin de la démocratie. C’est le triomphe de la violence politique. L’agresseur n’est pas la Russie, mais Poutine !

C’est bien contre cela qu’il faut se liguer : l’atteinte à la liberté faite par un tyran, qui plonge des êtres humains dans une suite de guerres stériles. Il faut combattre Poutine et ceux qui le soutiennent, parce qu’ils se réclament des mêmes méthodes. Il ne faut pas tomber dans la haine des russes, mais bien les encourager à se révolter pour retrouver une vraie liberté, pas la paix fragile et mensongère de la tyrannie.

Evidemment, les nationalistes des pays plus démocratiques sont maintenant pris à leurs propres contradictions : ils professaient admirer Poutine, Trump, Bolsonaro ou Modi ; ils sont maintenant obliger de cracher sur leurs modèles, ou de trahir les intérêts de leurs propre pays. C’était le même inconfort moral pour l’extrème droite française, anglaise ou américaine qui admiraient Hitler de 1933 à 1945… Mais certains se sont confortablement assis sur leurs mensonges en collaborant.

Si tous les vrais démocrates se réunissent pour protéger la liberté et la justice, ils seront capables d’abattre non pas l’Ours russe, mais les tyrans, colosses aux pieds d’argile.

Mais comment doit se faire ce combat ? en envoyant des chars contre d’autres chars, au risque d’un conflit nucléaire ? en envoyant des armes légères aux Ukrainiens, pour faire durer un conflit “traditionnel”, peut être aussi longtemps qu’en Syrie (11 ans!) où les russes étaient aussi impliqués ?

Si tous les pays démocratiques du monde manifestent leur désapprobation, bloquent économiquement la tyrannie et informent le peuple russe et le peuple ukrainien de l’injustice dont ils sont victimes, le régime de Poutine ne tiendra pas. Ce sera la victoire de la raison et de la liberté contre la tyrannie, la violence et le mensonge. Mais la raison doit clairement s’affirmer, sans que l’argumentation ne céde le moindre pouce à la haine.

Une énergie nucleaire sans democratie

Le président de la république française vient d’annoncer (10/02/2022) la construction de 6 centrales nucléaires supplémentaires. Il ne s’agit pas d’un voeu pour son futur programme, mais bien d’une décision, alors que le “programme” sur lequel il a été élu n’en parlait pas. Il n’y a pas eu de consultation, de concertation, ni encore moins de vote, ni aux présidentielles, ni à l’assemblée nationale.

Ce déni de démocratie reprend les habitudes ininterrompues de nos anciens présidents de la république, depuis De Gaulle, sur la questions. Au départ, le secteur nucléaire était lié à la défense, à son secret et au fonctionnemnet jacobin de la prise de décision. Pourtant ce choix d’énergie engage la génération qui le finance et les 178 générations suivantes, qui vont payer des coûts imprévus répartis sur un demi-siècle (le secteur nucléaire est le premier en matière de dépassements de 1 à 10 !) augmenter les pollutions directes (le réchauffement de l’eau en particulier), augmenter la consommation d’eau (le nucléaire a des besoins un peu inférieurs mais du même ordre que l’agriculture : une bonne partie de l’eau quitransite dans une centrale repart en vapeur). Le risque d’incident existe toujours, et rien dans les évènements des 10 dernières années n’est de nature à nous rassurer. Un attentat sur une centrale est possible et pourrait avoir des conséquences incalculables. Enfin, depuis la privatisation d’EDF, l’Etat n’a plus les moyens de pérenniser un controle direct des centrales qu’il a payées. On ne forme plus d’ingénieurs fonctionnaires ayant la pratique de la construction, de l’entretien et de la gestion de ces centrales, on se contente de payer des couts énormes incontrolables.

La politique antérieure nous oblige déjà à considérer le nucléaire tel qu’il est : la première source actuelle d’énergie depuis des dizaines d’années en France, une réussite technologique globale remarquable, mais aussi un problème public énorme. Il faut continuer à mobiliser des cerveaux pour la recherche sur ce sujet, rendre à l’Etat sa compétence technique pour la gestion et le controle de l’outil.

Mais ca ne suffit pas : les troubles à l’environnement, à l’économie et les risques sur la sécurité et la santé dépassent largement le cadre de notre petite nation : comme l’a montré l’accident de Tchernobyl, le nucléaire a des conséquences sur tout un continent. La politique énergétique doit être revue le plus globalement possible. le gouvernement français actuel n’a aucune légitimité pour décider d’une augmentation de son parc nucléaire en augmentant la menace sur tout un continent.