L’histoire ne nous determine pas, elle nous apprend seulement.

Depuis l’invention de l’écriture, l’homme conserve les histoires qu’il raconte, les fictions, comme les récits ou les essais. La mémoire du monde est comprise principalement dans des livres, mais aussi des musées, des monuments et est enseignée aux enfants pour les aider à devenir des citoyens.

Les récits historiques sont déformés par chaque société, dans un but particulier. L’histoire racontée par les juifs, les chrétiens ou les musulmans, reprenant les textes sacrés, mais orientant également la vision de tous les évènements qui ont suivi, cherche à montrer le destin de l’homme, du peuple élu, de la communauté des croyants. L’histoire enseignée du moyen âge au XIXème siècle montrait le destin des rois, des dirigeants et de leurs familles, comme des élus de dieu, améliorant sans cesse leur patrimoine et luttant plus ou moins efficacements contre leurs ennemis, c’est à dire leur voisins. Même les défaites sont magnifiées dans des récits transformant les pauvres guerriers massacrés en des héros immortels, comme Roland ou Bayard. L’histoire chinoise insiste sur l’unification de l’empire chinois et son maintien, contre vents et marées, mongols et européens, grâce à la puissance de ces empereurs implacables. C’est grâce à cette perspective historique que l’Etat du monde le plus peuplé maintient encore cette unité servile sous la dictature du parti communiste.

A partir du XIXème siècle, on a créé les romans nationaux, permettant aux italiens de se croire les petits-enfants de César, aux français de se considérer comme les descendants de Vercingétorix, résistant aux romains, aux allemands de se figurer être du sang d’Arminius/Hermann, ayant repoussé les légions romaines. Les positivistes, les scientistes, les progressistes ont montré comment les lumières de la république et de la civilisation allaient pouvoir s’étendre au monde entier grâce aux conquêtes des hommes supérieurs : les espagnols sur les Aztèques, les anglo saxons sur les indiens ou les aborigènes, les français sur les indigènes d’Afrique ou d’Indochine. L’histoire communiste russe a montré comment les merveilleux dirigeants et les héros du partis avaient sauvé le peuple des attaques des capitalistes ou des fascistes. Cette propagande ridicule, mais voulant donner un sens à l’histoire, a longtemps clamé que le socialisme allait dépasser le capitalisme dans tous les domaines.

L’histoire a toujours été enseignée, en déformant les faits, pour montrer le progrès réalisé suivant la conception du monde de la caste dominante, formatant les enseignants. Les enfants ont pu, grâce à cet enseignements se satisfaire de leur condition sociale, de leur pays et rester dociles, pour être de vaillants soldats ou des mères courage.

D’autres visions de l’histoire ont existé, comme la vision cyclique : une civilisation nait, fleurit, atteint son apogée, connait une décadence et est remplacée par une autre. Cette vision moins optimiste a moins de succès, sauf auprès des vieux philosophes…

Les historiens d’aujourd’hui s’attachent plus aux faits et à leur succession. Ils séparent généralement les enchainements chronologique d’un essai d’interprétation. Les interprétations des cinquante dernières années insistent beaucoup sur les conditions environnementales et démographiques, diminuant l’importance des héros. Cet effort d’objectivité est à saluer. Il est facilité par les échanges beaucoup plus importants d’informations, rendus possibles par la technologie. Les tentatives de réécriture dans les pays soumis à une dictature se heurtent généralement à la vitalité de la communauté scientifique, médiatique et militante mondiale, qui permettent de dénoncer les mensonges ou les déformations, en recoupant avec d’autres informations. Pour le moment, il s’agit bien d’un progrès, mais celui ci pourrait être anéanti par un big brother simplifiant les évènements, en écartant certains faits, ou noyant les facteurs déterminants dans un flot d’informations.

Lorsque l’on suit l’incroyable succession de l’histoire humaine, depuis 2000 ans au moins, ce qui frappe c’est davantage le chaos que le progrès. Néanmoins, dire que les hommes sont des marionnettes soumis à des dirigeants les manipulant, ou façonnés par les cironstances naturelles et sociales, serait aussi faux que des les croire téléguidés dans chacun de leurs gestes par la volonté d’un dieu fou.

Les hommes sont libres, et cela vaut pour chacun d’entre eux. Les sociétés ont pu faire agir momentanément de façon cohérente de grands groupes, mais les castes ou les peuples ainsi constitués ont régulièrement éclatés en morceaux, par des révoltes en réponse aux injustices à l’intérieur de ces sociétés ou par l’invasion de voisins jaloux. La liberté individuelle permet de choisir son chemin. La société contingente où l’on vit, vous pousse dans une direction, mais lorsque vous choisissez un autre chemin, si vous arrivez à convaincre suffisamment de personnes de vous accompagner sur ce chemin plus juste, la liberté et la volonté d’un groupe permet de renverser le déterminisme social.

Les récits historiques sont bien nécessaires à la constitution de cerveaux citoyens. Mais il faut toujours les regarder selon le prisme universel de la liberté et de l’égalité, de la solidarité et de la justice. L’injustice ne perdure jamais sur un peuple qu’avec son consentement inconscient. Certaines sociétés peuvent renaitre plus justes d’une révolution, comme l’ont été toutes les démocraties occidentales crées après les royaumes. Mais cet effort de justice a toujours été insuffisant. Cultiver l’idée de liberté a rendu encore plus difficile l’équilibrage de ces forces individuelles innombrables. Les sociétés démocratiques sont donc instables et fragiles. Nous ne vivons pas sur un plateau d’altitude, nous sommes sur une pente : si nous ne nous améliorons pas, nous retombons. Et les citoyens effrayés par leur propre liberté, autant que par celle de leurs voisins qu’ils prennent toujours pour des ennemis, aspirent alors à une nouvelle dictature, où ils auraient le confort de l’esclave bien nourri.

L’histoire ne doit pas être enseignée, sans qu’on réfléchisse à ces questions : combien de temps peut on supporter une paix sans justice ? y a-t-il d’autres solution que la guerre pour combattre l’injustice ? L’histoire nous aidera à y répondre, grâce à l’étude du passé, mais n’apportera aucune certitude sur notre futur. L’avenir reste entre nos quatorze milliards de mains.

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