Lorsque les démocraties hésitent pour leur soutien à leur voisin attaqué par une dictature, l’agresseur semble bien plus déterminé dans sa conquête que les pays agressés. Cette détermination ne s’arrête pas au seul autocrate, elle semble partagée par l’immense majorité de ses sujets : la propagande nationaliste a précédé depuis longtemps la guerre. Les motivations de la guerre ne sont pas raisonnables, mais on a attisé la haine du voisin, on l’a nommé responsable de tous les problèmes du pays, parfois avec un ennemi intérieur à éliminer (les juifs, les opposants, les communistes, les libéraux… au choix!).
La guerre simplifie toutes les décisions dans le pays agresseur : l’urgence impose de suivre le chef sans discuter, ceux qui hésitent sont des traîtres. L’économie s’en ressent, mais s’adapte et dans un grand pays, la production d’armes et celle des ressources indispensables donne du travail à toute la population. La guerre soude les consciences et les débats n’ont plus lieu d’être.
Face à cet immense élan, les pays voisins peuvent paraître ridicules avec leurs atermoiements. Faut il entrer en guerre pour les Sudètes, pour la Pologne, pour le Dombass ou toute l’Ukraine ? Si on ne bouge pas, on sera peut être sauvegardé, au moins le temps d’améliorer nos défenses… Toutes les opinions s’expriment, les vrais pacifistes et les lâches voient leurs arguments mélangés, les attentistes s’en remettent au pays ami le plus fort, ils le suivront, les bellicistes jouent au Cassandre et prônent l’intervention immédiate, les grandes entreprises font leurs calculs…
Avec suffisamment de temps laissé au débat démocratique, la voie de la raison finit par se faire entendre. Si elle emporte un consensus, elle permet une adhésion, consciente, raisonnée, de la majorité de la population. Mais si les partis démocratiques se contentent de débats centrés sur la politique intérieure, les préoccupations des politiques, les enquêtes des media, l’attention des électeurs, se concentrent sur les combats des chefs, au sein des partis et des alliances. Alors la belle démocratie devient effectivement fragile et peut être emportée par le flot de violence des dictatures. Pour se préserver, il faut bâtir des digues, construire un plan de défense, bien avant que la pression ne devienne trop grande.
En 2024, nous ne sommes pas prêts. Nous avons des armées, de l’armement, mais pas de politique cohérente, hormis la défense solidaire de l’OTAN. Et les anciens accords peuvent être caducs si des membres d’une coalition démocratique deviennent des démocratures désireuses de composer avec les dictatures.