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Colère n’est pas justice

“Sainte colère” : l’expression existe depuis le récit de Jésus, chassant les marchands du temple. Dans la Genèse, Dieu se met déjà en colère contre sa création. Chacun a déjà expérimenté, une indignation puis un sentiment de colère devant une injustice. La colère est un sentiment humain qui résulte du choc de plusieurs idées : quelqu’un qui m’est proche, ou moi même, subit un dommage, quelqu’un d’autre en profite indûment, la société, les autres en général, trouvent normal cette situation. Je constate un déséquilibre, que les puissants qui m’entourent semblent causer ou au moins approuver, et une pulsion violente me pousse à rétablir la justice en frappant le côté favorisé. La violence semble nécessaire pour lutter contre plus puissant que soi. Elle s’exprime par des cris, puis si elle ne peut trouver d’autre exutoire, par des gestes violents.

Mais si la colère semble fondée sur le sentiment d’injustice, ce sentiment peut être une appréciation faussée de la situation. Dans la mesure où la partie qui semble lésée m’est liée, je  ne suis pas le mieux placé pour juger équitablement de la situation. D’autre part, la violence, qui résulte immédiatement de ce sentiment fort, n’est pas toujours bien dirigée : elle peut frapper quelqu’un qui n’est pas la vraie source de l’injustice,. Enfin cette violence est toujours disproportionnée : quelqu’un vous vole et vous cherchez à le tuer.

La “juste colère” que ressentent la plupart des humains devant les injustices criantes qu’eux ou leurs proches subissent se transforme ainsi en réactions contre-productives : le terrorisme, contre les puissants qui semblent irrémédiablement nous dominer ou le vote xénophobe, contre les étrangers qui nous menacent.

L’indignation à laquelle appellent les justes ne doit pas se transformer en violence injuste. Ne prenons pas les armes de nos ennemis. Les super-héros qui rétabliront la justice n’existent pas. La violence extrême et sans objectif précis des petits groupes en colère, l’acte terroriste ou le vote xénophobe, n’atteignent que les soutiens volontaires ou passifs de ces dominants et, au final, les renforcent. Utilisons la force de la solidarité  : les faibles opprimés, et leurs frères qui les écoutent, s’ils se redressent tous ensemble, dans un but clairement exprimés, feront plier les tyrans.

Effet Haine

L’extrême droite française s’appuie sur la peur issue des derniers attentats terroristes. Le front national redouble sa présence dans les media, sur les marchés, pour plaider la fermeture des frontières, la lutte impitoyable contre tous ceux qui ressembleraient à des terroristes.

La tactique millénaire du terrorisme fonctionne trop bien : les attentats, ciblés ou aveugles, engendrent la colère, la peur, la haine. Ils favorisent, dans la majorité, le recours à des politiques plus autoritaires. Même la gauche française au pouvoir choisit de diminuer les droits individuels pour lutter plus efficacement contre les terroristes.  Cette efficacité est illusoire : si cela gêne temporairement les terroristes, cela crée forcément des injustices. Tous les musulmans innocents qui seront arrêtés, poursuivis, insultés, mis à l’écart se sentiront victimes d’injustice. Parmi eux, certains seront des proies pour les prosélytes extrémistes et quelques uns deviendront eux-mêmes terroristes, compensant les terroristes arrêtés grâce aux mesures sécuritaires. Evidemment, le front national, s’appuyant sur la peur et la haine, montera encore dans les sondages.

La seule réponse consiste, non pas à “conserver nos valeurs démocratiques”, celles ci sont trop altérées dans nos lois, nos divisions en états, mais à refonder une société plus juste encore, plus libre, plus équitable plus solidaire. Le terrorisme n’aura alors plus de prise sur les esprits.

La réforme est impossible…

La réforme est impossible, non pas seulement parce que la majorité est toujours frileuse et conservatrice, que les privilégiés ont peur de perdre des avantages et que les intellectuels aiment critiquer sans s’engager vraiment, mais parce que l’organisation politique entre les nations et à l’intérieur des états est inextricable : les textes légaux sont trop nombreux, obscurs, conjoncturels, contradictoires.

La révolte guette ceux qui n’en peuvent plus. Dés que le sentiment d’injustice est trop fort, elle gronde puis se déchaîne. Mais pour quel résultat ? Depuis la mort de l’idéal communiste, aucun idéal ne sous-tend les printemps arabes, ni les échauffourées de banlieue, ni les pierres et les couteaux de Palestine. Au delà de la revendication élémentaire de liberté, aucun système politique alternatif n’est proposé qui permettrait la justice. La liberation d’un dictateur renversé ne débouche que dans l’aliénation d’un système réactionnaire.

Le terrorisme, arme des faibles, des minorités, est abominable, parce qu’il frappe aveuglément des innocents, qu’il ne peut restaurer une société plus juste en étant plus injuste que l’oppression du système en place.

La révolution tranquille seule est souhaitable. Elle sera fertile si elle s’appuie sur de nouvelles propositions politiques, qui tourne le dos aux erreurs de la dictature, du nationalisme, de la domination des sociétés hypercapitalistes sur les états démocratiques. Elle devra être pacifique, absolument non violente pour aboutir. Elle prendra du temps.

De l’utilité de conserver des manières chevaleresques…

Depuis plus d’un demi-siècle, des armées “occidentales” se battent contre le terrorisme en utilisant des méthodes qui sont retournées par ces mêmes terroristes pour lever de nouvelles recrues.

L’utilisation de la torture, à Guantanamo par les américains, ou en Algérie, autrefois, par l’armée française, a décuplé les forces du terrorisme : les recruteurs de la haine en font un argument définitif pour montrer que les “occidentaux” sont impérialistes, puissants et tyranniques, au point de torturer des opposants.

Le bombardement de civils donne lieu également à des manipulations “faciles” : on place des civils sur des objectifs militaires possibles puis on fait pleurer les mères et les veuves devant les cameras.

Récemment, les viols perpétrés par les militaires de l’armée française ou des casques bleus en Afrique ont également sali l’image des forces de la paix.

Pour qu’un gouvernement utilise la force, il doit légitimer son action, mais aussi systématiser un comportement exemplaire. En se privant de l’arme de la torture, de ripostes aveugles, on ne fait pas preuve d’un esprit chevaleresque désuet, on prive ses adversaires de leurs principales ressources : la manipulation des populations pauvres et mal informées, qui elle seule permet de recruter de nouveaux terroristes.

La république universelle devra limiter la violence au minimum nécessaire à sa sauvegarde, en préférant toujours sacrifier ses forces qu’à s’éloigner de ses valeurs. Pas de torture, pas d’assassinat, pas de meurtre qui ne soit directement indispensable à la survie d’autres hommes et femmes.