Voter utile, mais résister dans tous les cas

Le second tour des élections présidentielles françaises de 2017 démontrent bien les dangers de la cinquième république : quatre candidats se sont partagés à parts presque égales plus de 80% des votes ; l’abstention était encore plus importante (25% environ). Aucun ne portait sans doute un programme réunissant un consensus acceptable par une vraie majorité. Chacun des quatre se voulait “anti-système”, contre le pouvoir des syndicats, des medias, de l’Europe ou des pseudo-élites.

Au second tour, les citoyens responsables ont bien du mal à se prononcer. Les plus en colère voteront pour la candidate de la haine nationaliste. Les plus nombreux, sans doute, s’abstiendront. Mais pour éviter le pire, il faut voter pour le candidat qui bouleversera le moins la république française, insuffisante, mais qui reste un  îlot de démocratie dans un monde en crise.

Ce candidat est un banquier opportuniste, qui prône  un libéralisme à peine bridé. S’il est élu, quelles que soient les alliances qu’il sera amené à construire pour gouverner, l’injustice prospérera, la colère augmentera encore. Il ne faut pas accepter cette évolution comme une fatalité, mais profiter de toutes les occasions pour mener une résistance démocratique : constituer, aux législatives puis dans l’assemblée, un groupe d’opposition qui pèse sur les décisions, recréer un parti qui fasse la promotion d’une société plus équitable, et surtout plus ouverte, manifester pacifiquement contre toutes les décisions ou non décision de court-terme (comme le maintien du nucléaire) qui ne facilitent la vie qu’aux riches et rendent le monde plus difficile à vivre pour la majorité.

Si c’est le parti de la haine qui est porté au pouvoir, cette opposition devra être encore plus résolue. Notre travail, notre sécurité, notre dignité seront directement et immédiatement en jeu.

La peur ne doit vous faire choisir la haine

Un attentat vient d’avoir lieu. Comme tous les attentats islamistes, il est destiné à déclencher la haine dans la populations et une répression aveugle vis à vis des étrangers et des musulmans.

Dimanche 23 avril, quatre jours après, les français qui iront voter le feront ils en suivant ce plan ? Cinq candidats sur onze considèrent que nos problèmes viennent de l’étranger : les musulmans et l’Europe seraient la cause de nos “malheurs”. Voter le Pen, Asselineau, mais aussi, Dupont aignan, Cheminade ou Fillon, regardez leurs programmes, c’est considérer que le problème vient des autres, alors qu’il est universel ; c’est choisir, comme le veulent les terroristes, le chemin de la guerre.

Un candidat qui n’a pas le même discours agressif, mais qui défend le capitalisme financier, à savoir Macron, est également dangereux, car c’est l’hypercapitalisme qui a engendré la pauvreté, l’injustice et la révolte.

Aucun des deux candidats crédibles restants, Hamon et Mélenchon, n’aspire vraiment à une république universelle, ils sont engoncés dans leur culture franchouillarde. Mais ce sont les solutions de vote les plus éloignées de la haine et de l’injustice.

Colère n’est pas justice

“Sainte colère” : l’expression existe depuis le récit de Jésus, chassant les marchands du temple. Dans la Genèse, Dieu se met déjà en colère contre sa création. Chacun a déjà expérimenté, une indignation puis un sentiment de colère devant une injustice. La colère est un sentiment humain qui résulte du choc de plusieurs idées : quelqu’un qui m’est proche, ou moi même, subit un dommage, quelqu’un d’autre en profite indûment, la société, les autres en général, trouvent normal cette situation. Je constate un déséquilibre, que les puissants qui m’entourent semblent causer ou au moins approuver, et une pulsion violente me pousse à rétablir la justice en frappant le côté favorisé. La violence semble nécessaire pour lutter contre plus puissant que soi. Elle s’exprime par des cris, puis si elle ne peut trouver d’autre exutoire, par des gestes violents.

Mais si la colère semble fondée sur le sentiment d’injustice, ce sentiment peut être une appréciation faussée de la situation. Dans la mesure où la partie qui semble lésée m’est liée, je  ne suis pas le mieux placé pour juger équitablement de la situation. D’autre part, la violence, qui résulte immédiatement de ce sentiment fort, n’est pas toujours bien dirigée : elle peut frapper quelqu’un qui n’est pas la vraie source de l’injustice,. Enfin cette violence est toujours disproportionnée : quelqu’un vous vole et vous cherchez à le tuer.

La “juste colère” que ressentent la plupart des humains devant les injustices criantes qu’eux ou leurs proches subissent se transforme ainsi en réactions contre-productives : le terrorisme, contre les puissants qui semblent irrémédiablement nous dominer ou le vote xénophobe, contre les étrangers qui nous menacent.

L’indignation à laquelle appellent les justes ne doit pas se transformer en violence injuste. Ne prenons pas les armes de nos ennemis. Les super-héros qui rétabliront la justice n’existent pas. La violence extrême et sans objectif précis des petits groupes en colère, l’acte terroriste ou le vote xénophobe, n’atteignent que les soutiens volontaires ou passifs de ces dominants et, au final, les renforcent. Utilisons la force de la solidarité  : les faibles opprimés, et leurs frères qui les écoutent, s’ils se redressent tous ensemble, dans un but clairement exprimés, feront plier les tyrans.